Un ultime appel à l’union de la gauche autour d’un projet de gouvernement lancé par le PRG.
À Paris, le 5 novembre 2021
Chère amie, Cher ami,
Le 23 octobre 2021, le Parti Radical de Gauche a décidé, à l’unanimité, de ne soutenir aucun candidat en lice pour l’élection présidentielle et d’affirmer, en conséquence, son indépendance lors de cette échéance électorale majeure.
Alors que les sondages nous alertent sur un assentiment historiquement fort de l’opinion française envers les discours identitaires et alors que la gauche parait globalement disqualifiée pour répondre aux vulnérabilités et aspirations de nos concitoyens, la décision du PRG se veut une alarme autant qu’une main tendue.
Une alarme tant notre formation politique a souvent préféré jouer le jeu de l’unité plutôt que celui de sa notoriété ou du combat partisan de ses idées profondément républicaines, laïques, solidaristes et européennes.
Une main tendue car le PRG m’a expressément mandaté pour tenter, une dernière fois, de raccommoder une gauche dont l’esprit autant que les idées manquent terriblement à la France aujourd’hui.
Une main tendue car le PRG m’a expressément mandaté pour tenter, une dernière fois, de raccommoder une gauche dont l’esprit autant que les idées manquent terriblement à la France aujourd’hui dans le brouhaha, le fracas et le fatras des divisions.
Comme vous je mesure la tragédie qu’affronte notre pays. Comme vous je connais tous les fronts sur lesquels les Français doivent se battre.
Climat, pauvreté, déclassement, réindustrialisation, reconquête de souveraineté, sécurité, réaffirmation républicaine et nouveau contrat social sont autant de champs de bataille sur lesquels notre devoir est de lutter à leurs côtés.
Comme vous, je n’ai pas l’intention de déserter, encore moins de choisir parmi les combats. Il revient à la Gauche et aux écologistes de les mener tous. Nous ne pourrons réussir qu’unis dans une France qui se fracture.
J’ai cette conviction qu’il nous revient naturellement, viscéralement, de prendre le contrepied des tenants du délitement de la société pressés de tuer tout collectif pour mieux régner.
Notre unité ne me semble néanmoins possible que sous deux conditions préalables.
La première est la réaffirmation commune de notre attachement à la République, laïque et universaliste. La Gauche, fille aînée de la République, ne peut laisser l’ombre du doute planer sur sa sincérité et son attachement à l’émancipation comme refus de tout essentialisme et de tout déterminisme. La supériorité de la loi commune des Hommes sur toute autre considération, la lutte contre toutes les violences faites aux femmes, la lutte contre toutes les formes de racisme et d’exclusion, la défense de la raison comme refus inflexible de tous les fanatismes, obscurantismes, intégrismes et complotismes ne peuvent être discutés. Notre attachement à une démocratie qui ne s’érige ni en tribunal des âmes, ni en inquisition du passé doit être posé comme preuve de notre soutien commun au travail des historiens, des scientifiques, des universitaires et de la justice à qui il revient de tenter de discerner et de dessiner les contours de la vérité.
La seconde condition est celle de l’Europe. Des tenants d’une Europe des États nations à ceux d’une Europe fédéraliste, chacun mesure aujourd’hui que la construction européenne ne peut se poursuivre aveuglément. La perte de souveraineté nationale, sans compensation par une souveraineté européenne démocratiquement établie nous conduit collectivement vers une mort lente autant que dangereuse de l’idée européenne. La France se doit d’agir et de reprendre la main dans le champ européen, avant qu’il ne devienne un champ de ruine. La Gauche et les écologistes devront instaurer ce bras de fer pour un continent de prospérité et de protection, ce bras de fer pour faire entendre que le modèle social français n’est pas une exception culturelle à martyriser mais le choix éclairé d’un peuple à respecter, ce bras de fer pour une Europe sociale plutôt que libérale.
Notre unité, c’est ensuite notre capacité à gouverner ensemble pour la France. C’est une plateforme de gouvernement qui répond aux attentes des Français aujourd’hui mues par l’urgence. Ce projet de gouvernement ne peut avoir d’autre but que de convaincre la jeunesse que nous vivrons mieux demain. Je vous propose les orientations suivantes sur la base des positions exprimées par les uns et les autres.
L’urgence climatique nous impose d’œuvrer à la décarbonation de nos consommations. De nos logements à nos déplacements, cette question sera au centre de nos politiques publiques. Elle entrainera des décisions lourdes, y compris fiscales, qui ne pourront pour autant aboutir à un droit de polluer pour les plus aisés et un écrasement des plus précaires. Nous devrons poser la question de la transition énergétique, de l’allure à laquelle nous la réussirons pour qu’elle soit financièrement soutenable par nos concitoyens, pour qu’elle nous garantisse une part d’indépendance et reste réaliste face à nos besoins en énergie. L’enjeu nucléaire au centre de nos divergences ne peut se solder en désaccord tant cette question ne peut relever de la posture idéologique pour les uns comme pour les autres. Enfin, la lutte contre les énergies fossiles devra être proportionnée aux réalités territoriales et sociales de nos concitoyens.
L’urgence sociale nous impose d’œuvrer à la reconnaissance des travailleurs et à plus de justice. Des premières lignes aux premiers de corvée, la crise sanitaire a remis sur le devant de la scène le rôle essentiel des travailleurs et les inégalités qu’ils subissent. La question salariale devra être reposée, dans le cadre de la négociation des entreprises, en lien avec les réalités économiques de chacune. Une augmentation obligatoire des salaires devra en découler. Les conditions de travail devront aussi redevenir une priorité. Pour celles et ceux privés d’emplois, le système de solidarité et de redistribution devra jouer pleinement son rôle et mieux accompagner, en lien avec la formation professionnelle, les reconversions. L’enjeu de la transition écologique de nos emplois pourra faire l’objet d’une politique transversale dédiée. Pour celles et ceux pour qui l’emploi restera inaccessible, les minimas sociaux devront être réévalués, la question de l’indemnité compensatrice du handicap et de son individualisation être actée.
L’urgence économique nous impose de sauvegarder nos savoir-faire, de reprendre la main sur notre destin. La réindustrialisation de la France autant que notre devoir de souveraineté sur la couverture de nos besoins vitaux sont impératifs. La puissance publique devra jouer pleinement son rôle pour garantir, par tous moyens, à chacun, une production permettant de couvrir ses besoins essentiels pour boire et manger, pour se soigner, pour s’éclairer et se chauffer. Les mutations environnementales de nos entreprises devront être soutenues en contrepartie des aides publiques. L’économie de la transformation écologique et sociale devra être renforcée. Nous devrons réinstaurer de l’équité pour que les GAFAM ne demeurent pas les seules entreprises à ne payer ni matière première ni impôts. Nous ferons de l’économie numérique un enjeu de notre sécurité autant que de notre indépendance.
L’urgence républicaine nous impose de proposer un nouveau contrat social. Notre adhésion à l’idéal républicain repose sur l’équité garantie entre les Français et la preuve tangible d’un État présent pour chacun, là où il vit. La question de l’École sera centrale. Au-delà de la réaffirmation de la liberté d’enseignement et d’accès aux connaissances, le rôle éminent de l’École dans l’intégration des valeurs républicaines devra être soutenu. Notre approche ne pourra éluder le creusement des inégalités engendré par les stratégies d’évitement et de contournement de l’école publique. La question du traitement des enseignants ne pourra être traitée indépendamment de la revalorisation des fonctionnaires du quotidien qui veillent au service public de proximité. Enfin, la question de l’équité fiscale ainsi que la lutte drastique contre la fraude pourront permettre d’ouvrir la voie d’un nouveau pacte social devenu impératif pour retisser les liens d’un pays qui s’affronte.
Cet essentiel est de servir la France, de protéger les Françaises et les Français, de leur ouvrir la voie d’un destin et d’une fierté collective.
Sans rien méconnaitre des propositions complémentaires ou supplémentaires exprimées par les candidates et candidats ou par leurs partis ; sans rien méconnaitre des idéologies propres à chacune et chacun, je veux croire que l’essentiel peut nous rapprocher. Cet essentiel est de servir la France, de protéger les Françaises et les Français, de leur ouvrir la voie d’un destin et d’une fierté collective.
Le parti que je préside, le plus ancien, est profondément ancré dans la tradition politique de notre pays. Il ne prétend pas être le point d’équilibre de la Gauche et des écologistes mais revendique de pouvoir en être l’utile serviteur dans ce moment particulier où notre responsabilité collective est engagée. Nous sommes prêts à tenir la plume de nos désirs et combats communs.
Le projet de gouvernement que nous pouvons écrire ensemble sera le gage de notre sérieux et de notre soif de justice autant que la démonstration de notre volonté d’être utiles à notre pays. Assorti d’un accord législatif, il ouvrira enfin la perspective d’une alternance politique.
Le calendrier électoral engagé place l’élection présidentielle comme moteur unique de notre vie politique autour d’une femme ou d’un homme au détriment d’un véritable projet de société. Il nous revient de gommer cette absurdité institutionnelle.
D’ici au 31 décembre, nous pouvons et devons avoir élaboré cette plateforme pour la France. Elle s’imposera dans le débat présidentiel. Elle pourrait nous amener à trouver ainsi le chemin de l’union de nos forces et de nos individualités autour d’un projet.
Ce serait une faute impardonnable tant au regard de notre histoire que de notre devoir de transformation et d’amélioration de la société.
Au-delà de cette date, le rythme imposé de l’élection présidentielle ne nous permettra plus d’aboutir. Au-delà de cette date le risque d’oubli des valeurs de gauche et de l’écologie pour les années à venir pourrait devenir réalité. Ce serait une faute impardonnable tant au regard de notre histoire que de notre devoir de transformation et d’amélioration de la société.
Au-delà de cette date, si chacun a poursuivi l’horizon de son parti plutôt que celui de son pays, alors le PRG vivra pleinement son indépendance, au nom de ses idées.
Souhaitant que cette ultime proposition, après celles formulées en faveur d’une coalition puis d’une primaire, retienne votre intérêt, recevez chère amie, cher ami, l’expression de notre détermination pour un devenir républicain solidaire et écologique au service de la France, des Françaises et des Français.
Guillaume Lacroix
Président du PRG-le centre gauche